Ouest France: Dans l’est de l’Ukraine, le charbon illégal prospère

Article co-signé avec Laurent Geslin, en partenariat avec Nataliya Gumenyuk, publié dans Ouest France, le 07/12/2012

La misère pousse les villageois du bassin du Donbass, en déshérence, à exploiter de dangereuses mines clandestines. Les autorités ferment les yeux et bénéficient du trafic. KIEV. De notre correspondant.

Six cents kilomètres au sud-est de Kiev. Le ciel nuageux écrase l’immensité de la plaine, les seuls sommets à l’horizon sont ceux des terrils des mines de charbon. Autrefois centre névralgique du complexe militaro-industriel soviétique, le bassin houiller du Donbass vit des jours difficiles depuis l’indépendance de l’Ukraine, en 1991. « Beaucoup de mines d’État ont été fermées ou privatisées. Ici, personne n’a de travail, explique Volodia, ancien mineur de la petite bourgade de Zuyevka. Alors, pour gagner un peu d’argent, les habitants creusent la terre, y compris les femmes et les enfants ». Camions qui transportent du charbon

 

300 morts par an

Autour de la ville industrielle de Donetsk, le charbon affleure à une dizaine de mètres sous le sol. « Dans notre village, on trouve plus de cinquante kopankas, des mines illégales, précise Volodia, et la police ne fait rien, car tout le monde profite du système ». Malgré des déclarations de façade, l’administration n’a aucune intention de sévir. « Le charbon extrait des kopankas est revendu à bas prix aux mines d’État, puis intégré à la production officielle, ce qui permet aux autorités de faire des bénéfices conséquents, explique Myjhaïlo Volynets, le chef d’un syndicat indépendant de mineurs, le gouvernement exploite la misère du peuple pour se remplir les poches ».

Des pelles, des pioches, quelques rondins de bois pour soutenir les galeries, l’équipement des mineurs est souvent rustique et les risques nombreux. Les services de secours estiment qu’environ 300 personnes meurent chaque année dans les mines ukrainiennes. « Les mines illégales ne sont pas assez profondes, les couches de terre et de roche ont tendance à s’affaisser et à ensevelir des galeries », raconte un sauveteur. Les accidents dans ces mines illégales ne font que rarement la Une des médias, les autorités préférant rester discrètes. « Mon père était maire de Zuyevka, il a voulu y interdire les kopankas, raconte Sacha Ponomarenko. Pour le faire taire, la police l’a accusé de corruption, il a été emprisonné et il est mort avant son procès ». Le président Viktor Ianoukovitch soutient que l’Ukraine doit augmenter sa production de charbon pour réduire la dépendance vis-à-vis du gaz russe. Une stratégie énergétique qui devrait favoriser l’essor des mines illégales dans le bassin du Donbass et enrichir un peu plus ceux qui protègent le trafic.